Dooz Kawa - Nomad’s Land (Modulor)

On commençait presque à attendre Dooz Kawa, qui ne nous avait plus rien donné à nous mettre sous le tympan depuis Contes Cruels en 2017. Heureusement, le 31 janvier 2020, le MC dévoilait Nomad’s Land, son nouveau bébé de treize titres. Alors qu’on aurait pensé l’exploit impossible, dans ce projet, le rappeur semble avoir trouvé le moyen de passer au niveau supérieur dans son art de manier les mots. Fidèle à son style, il nous conte toujours des histoires, avec un lyrisme au sommet (Plume). Pourtant il s’exprime de manière plus directe qu’auparavant à son auditeur en donnant une impression d’intimité renforcée par sa voix cassée, nonchalante mais finalement si entrainante. Paradoxalement les thèmes choisis font échos à ses précédents projets : toujours engagés (Ode à l’Etat), mélancoliques (Si ce monde), et violemment empreints de sexualité (Rap Sale). Il nous dresse finalement un genre d’autoportrait. On sent aussi
plus de pessimisme dans les vers… ou peut-être s’agit-il simplement d’une forme de maturité. Côté instrumental 12 KO nous prend de court avec un premier titre plutôt trap, comme pour se mettre au goût du jour. Mais on se demande vite s’il ne s’agit pas d’un jeu, une forme de taquinerie de la part du rappeur qui n’a pas l’habitude de se laisser porter par le courant. Pour le reste de l’album, sa patte si particulière dans le choix des prod reprend le dessus, naviguant entre musette et musique orientale.
Dooz Kawa partage ses instrus avec ses potes Davodka et Swift Guad et surprend avec des feats plus improbables. Dans Si ce monde et La Vague il laisse par exemple la parole au philosophe Dorian Astor. Une nouvelle fois, un projet qui s’écoute en boucle, ne serait-ce que pour capter toutes les subtilités de langage qui s’y cachent, et qui prouve que le boom bap a encore toute sa place dans le paysage du rap.
Hugo Pezzutto