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🎙 Interview Naâman

Dernière mise à jour : 17 avr. 2020

On reconnaît Naâman à son sourire communicatif qui illumine ses flows ravageurs, battements de cœur d'un reggae solaire, puissant et rythmé. De sa ville natale Dieppe à son pays d'adoption, la Jamaïque, sa trajectoire passe par une diversité de beats aux couleurs chaudes et vives qui dispensent bonne humeur, douceur de vivre et paix intérieure. Cette dernière constitue l'éclat des "Rays of Resistance" qu'évoquent le titre de son dernier album car, pour lui, la vérité que l'on cherche dans le monde commence d'abord par la quête d'une lumière de sérénité au fond de soi…



ZYVA : Naâman, un nom tiré d’un personnage biblique : peux-tu nous en dire plus sur lui et sur ce qu’il t’inspire ?


Naâman : Je ne suis pas dans la religion. J'ai été élevé dans une famille religieuse, j'ai été sensibilisé à tout ce contexte mais c'est un aspect que j'ai rejeté vers l'adolescence. J'y suis revenu vers 18 ans, histoire de comprendre plus précisément cet aspect sur lequel se fonde notre civilisation. J'ai feuilleté un peu et je suis tombé sur ce personnage qui tout d'abord avait un joli nom. Je sais pas si tu vois, moi, du haut de mes 18 piges, j'ai vu Naâman, j'ai fait "waou!". Je me suis renseigné sur son histoire et j'ai vu qu'il s'agissait d'un guerrier syrien apprécié de son peuple et qui a été touché par la lèpre. Pour guérir de la lèpre, un prophète lui a dit de se baigner dans le Jourdain. Mais surtout, il a dû s'asseoir sur son égo, se remettre à l'écoute du monde et des gens qui l'entouraient. Pour moi, c'est un parallèle avec le reggae. On parle de musique qui a des racines car c'est une musique qui a les pieds sur terre, une musique consciente. A l'inverse, si on ferme les yeux et qu'on se monte un film dans sa tête, on perd le rapport à l'essentiel: l'humilité, l'amour et le reggae est là pour ça.


Z : Ce qui te relie au reggae semble donc bien plus fort qu’une vibe musicale : n’est-ce pas pour toi une véritable philosophie de vie ?


N : Ouais, tu vois, plus le temps passe, plus je me dis que le reggae, c'est un truc que je n'ai pas choisi. C'est vraiment quelque chose qui est à l'intérieur et la scène le montre très bien, Il se passe des choses assez folles...le reggae est merveilleux pour ça! Après, pour ce qui est de la philosophie, de la morale, peut-être que le reggae m'y a sensibilisé. Mais je pense que c'est plutôt lié au fait que je suis quelqu'un en recherche de vérité et le reggae contient aussi cet aspect. Après, il n'y a pas à mettre d'étiquette sur les genres musicaux: on est vraiment libres de faire ce qui nous plaît, ce qui est à notre image.


Z : Tu as parlé de reggae comme message d'amour mais le titre de ton dernier album, Rays of Resistance, a l'air d'être aussi un message de vigilance par rapport à ce qu'il se passe dans le monde ?


N : Ouais, voila c'est ça, exactement. Mais tout ceci découle d'une seule chose: ouvrir les yeux sur soi-même. C'est un travail que chacun peut faire tout seul. T'as besoin de rien pour savoir qui t'es, tu vois? Et pourtant, beaucoup de gens passent à côté de ça, alors que c'est vraiment la base. Si on se connaît vraiment, si on a analysé tout ce système de peur, de dualité, après, la suite découle d'elle-même. Dans le titre de l'album, "Resistance" semble être le mot principal alors que c'est "Rays", faisant référence à la lumière qu'on a au fond de nous. Et c'est cette lumière qui va faire en sorte que la résistance a un sens . La résistance, c'est le fait de ne pas abandonner car c'est difficile aujourd'hui de vivre de façon épanouie, de vivre normalement, de ne pas se voiler la face. La résistance est le fait de garder ces principes bien en place et ce processus passe par la connaissance de soi.


Z : Reggaeman et grooveman, on t'identifie à ton flow quasi hip hop: tu as toujours voulu lier les deux impulsions (reggae et hip hop) ou c'est juste ta manière de vivre et de chanter ton reggae?


N : Je pense que j'ai toujours chanté comme ça. C'est du travail. A la base, j'essayais de trouver des flows, c'est comme ça qu'on se fabrique et je kiffais autant le hip hop que le reggae. Dans les sound systems, on pouvait tomber sur les deux types d'instrus et fallait déchirer sur tout! J'adore tous les flows !


Z : En ce sens, tu peux nous parler de ton travail avec le beatmaker Fatbabs?


N : C'est surtout Fatbabs qui envoie des brouillons au début. Il m'envoie des petits trucs et puis j'écris dessus. Ou alors, j'ai des vibes. C'est aléatoire. 70% du temps, c'est Fatbabs qui m'envoie un petit pack d'instrus. Et puis après, on les refile aux musiciens. Ils rejouent tout, bien comme il faut et là on construit une instru avec une nouvelle chanson. Avec Fatbabs, on est vachement liés au niveau de la composition, on s'envoie des trucs tout le temps. Je pense que l'artiste reflète sa vie de tous les jours et s'il est entouré de gens bien, ça facilite le travail. C'est exactement ce qu'il se passe dans mon équipe, c'est que des potes, que des frères ! On s'est fait ensemble.


Z : Dans les freestyles en studio comme sur scène, tu gardes le même sourire et ton explosivité de performer: c'est l'amour du reggae qui te rend si généreux et expansif !?


N : En live il se passe quelque chose de fou ! Après, je suis pas le mieux placé pour en parler: moi, je fais comme j'ai toujours fait ! Et pour moi, le live c'est une expérience magique! C'est comme ça que je vis la scène! Peut-être que c'est parce que je viens du sound system. Quand je fais un truc, je n'ai pas envie de décevoir, j'ai envie d'être au maximum. La musique m'emporte toute seule. Et puis comme je disais, je viens du sound system où plein de chanteurs se succèdent au micro et où il faut marquer les esprits. Donc, ouais, moi, sur scène, j'ai envie de tout donner. En plus, la musique que je fais est basée sur un message d'amour, donc je suis encore plus motivé à le transmettre. A partir du moment où je me dis que les gens font le déplacement pour me voir jouer...je suis obligé de donner mon maximum !


Z : En parlant de scène, tu étais présent au Rototom Sunsplash: tu as quelques souvenirs que tu voudrais partager avec nous ?


N : Super festival ! Il est exemplaire et il est fait pour le festivalier. C'était vraiment cool ! Après je suis tellement dans mon live que parfois, j'oublie comment ça se passe exactement ! Mais en tout cas, c'était un bon concert !


Z : Et au niveau des influences, avec quels artistes de la scène reggae roots aimerais-tu collaborer ?


N : Il y a ceux qui sont vivants et ceux qui, malheureusement, sont partis. J'aurais aimé échangé des vibes avec des artistes comme Dennis Brown, avec Gregory Isaacs en collaboration, je pense aussi à Freddy McGregor. Les collaborations, pour moi, c'est humain avant tout. Il y a des personnes qui t'inspirent vraiment quelque chose de bon. Il y'en a d'autres avec qui, musicalement ça le fait, mais niveau échange, c'est plus compliqué. Après voila, il y a les artistes que j'adore et avec qui j'aurais voulu grandir: Dennis Brown, forcément Bob Marley et d'autres vieux de la roots !


Z : Personnellement, ta voix me faisait penser à Stranger Cole ?


N : Ouais, bien sûr, ça me parle! Tu vois, je m'inspire de vieux jamaïcains ! Quand on enregistrait le nouvel album, mes gars, mes musiciens, me disaient qu'ils avaient l'impression d'entendre des phrasés à la Greg Isaacs. L'esprit assimile tellement de tout que dès que t'entends une vibe, ça sort !


Z: Tu as fait plusieurs voyages en Jamaïque: quelles vibes y puises-tu ?


N : La première fois, quand j'en suis revenu, j'ai eu ma petite vibe où je me suis dit "c'est dingue ce qui vient de se passer !". Arriver en Jamaïque, c'est vraiment bien. Au début, je suis allé aux Îles Vierges qui ont eu un grand rôle dans mon arrivée. Je me suis mis dans la vibe et direct après, je suis allé en Jamaïque. C'était mon premier voyage en tant que jeune "traveller". C'est super cool la Jamaïque, un gros spot ! J'y vais tous les ans depuis parce que je m'y sens bien ! On a travaillé avec des pointures, des légendes !


Z : Tu pourrais nous donner quelques noms ?


N : Les ingés son Sam Clayton et Steven Steward, Sly Dunbar à la batterie, Dalton Browne à la guitare et Daniel "Axeman" à la basse. C'était une expérience extraordinaire. Après, on était jeunes, on arrivait là-bas en voulant faire du reggae-hip hop et ils ne connaissaient pas trop le reggae-hip hop! Donc ça a été un peu la bataille mais on s'en est sorti et, en revenant en France, on a remixé un peu tout. Mais c'était la super expérience, jouer avec des anciens, c'était fou! Surtout pour un premier album ! Je me souviens que quand je suis rentré dans ma chambre, chez mes parents, je me suis dit: "Trop bien, je suis parti en Jamaïque, j'ai un album avec Sly Dunbar à la batterie ! J'ai enregistré dans le studio où Bob Marley a enregistré je sais plus combien d'albums !".


Z : Titre d'un artiste qui te représente toi ou ta musique ?


N : Joe Higgs - There's a reward


👉 Jonathan Allirand

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